L’Union européenne (UE) vient de franchir une étape décisive pour la sécurité routière. Le 25 novembre dernier, une réforme du permis européen a été officiellement adoptée. L’objectif est clair : harmoniser les règles entre les pays membres pour diviser par deux le nombre de morts sur les routes d’ici 2030. Si la France anticipe déjà de nombreuses mesures, cette harmonisation continentale va modifier durablement nos habitudes de conduite d’ici 2028.

Réforme permis et fin de l’impunité : une sanction à l’étranger, un retrait en France
C’est le point central qui fait déjà grand bruit. Jusqu’à présent, un automobiliste français flashé à une vitesse excessive en Italie pouvait perdre son droit de conduire sur le territoire italien, mais conservait un permis intact en rentrant en France.
Désormais, cette « immunité » géographique disparaît. La directive impose une transmission systématique des sanctions graves (alcool, stupéfiants, excès de vitesse de plus de 50 km/h) entre les États. En conséquence, une suspension prononcée à Madrid sera automatiquement appliquée à Paris. Cette solidarité répressive vise à mettre fin à un sentiment d’impunité qui concernait près de 40 % des infractions transfrontalières, comme le souligne le Parlement européen dans son communiqué officiel.
Vers un format 100 % dématérialisé avec la réforme permis
L’autre grande innovation réside dans la dématérialisation. D’ici 2030, chaque conducteur pourra disposer d’un permis de conduire numérique sur son smartphone. Ce document sera intégré au futur portefeuille numérique européen (European Digital Identity Wallet), permettant un contrôle instantané par les forces de l’ordre de n’importe quel pays membre.
Néanmoins, le passage au tout-numérique n’est pas obligatoire. Le format physique restera disponible pour ceux qui préfèrent le support matériel ou pour voyager hors des frontières de l’Union. Par ailleurs, cette modernisation devrait drastiquement réduire les risques de falsification des titres de conduite.
Visite médicale : la France face à ses paradoxes
Contrairement aux espoirs de certaines associations de victimes, l’UE n’impose pas de visite médicale obligatoire à l’échelle du continent. Elle laisse le soin à chaque État de choisir entre un formulaire d’auto-évaluation ou un examen médical approfondi.
En France, le débat reste vif. Si nos voisins italiens imposent des contrôles dès 50 ans, l’Hexagone hésite encore. Des propositions de loi, suggèrent d’instaurer des tests d’aptitude, mais aucune décision politique n’a encore été prise. Pour l’instant, le renouvellement des permis B restera donc une simple démarche administrative de mise à jour tous les 15 ans.
Les zones d’ombre de la réforme : un casse-tête juridique ?
Si la directive harmonise les sanctions, elle soulève une question épineuse que peu de médias abordent : celle du permis à points.
En effet, le système de points n’existe pas dans tous les pays de l’UE. Dès lors, comment traiter un retrait de points pour une infraction commise à l’étranger ? La directive actuelle se concentre sur les suspensions et retraits totaux du permis. Cela signifie qu’un excès de vitesse « moyen » en Belgique pourrait vous coûter une amende, mais ne vous enlèverait pas nécessairement de points sur votre permis français, faute d’un barème européen unifié.
De plus, la reconnaissance mutuelle des sanctions va multiplier les recours juridiques. Les avocats spécialisés s’interrogent déjà sur la conformité des procédures de retrait immédiat à l’étranger avec le droit de la défense dans le pays d’origine. Cette complexité pourrait ralentir l’application concrète de la réforme au-delà des annonces politiques.
Un calendrier de déploiement progressif
Il est inutile de s’inquiéter pour vos déplacements immédiats. Les États membres disposent de trois ans pour transposer ce texte dans leur droit national, puis d’une année supplémentaire pour ajuster leurs systèmes informatiques. Les premiers retraits de permis « européens » ne devraient donc pas être effectifs avant 2028.





